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En pleine lumière

(12.2013)

Aujourd’hui, la lumière est traitée comme un objet à part entière : la matière impalpable prend véritablement vie dans l’art, le design ou encore l’architecture. Avec Lightopia, le Vitra Design Museum est le premier à consacrer une exposition à cette évolution de l’éclairage artificiel

 

« Toujours à la recherche d’une clarté plus vive, l’homme s’est évertué, passant de la bougie à la lampe à pétrole, du pétrole au bec de gaz, du gaz à l’éclairage électrique, à traquer le moindre recoin, l’ultime refuge de l’ombre » affirmait le romancier japonais Tanisaki dans son livre Éloge de l’ombre. L’invention de la lumière artificielle, qui fait partie des plus grandes avancées du siècle passé, demeure aujourd’hui encore en constante mutation. Au-delà du simple fait d’éclairer, la lumière se retrouve intégrée depuis le début du XXe siècle à l’œuvre plastique. Il en va ainsi des expériences plastiques menées par László Moholy-Nagy et son fameux Modulateur Espace-Lumière (1922-1930) . Entre autres exemples, nous pourrions citer le travail de Michel Verjux qui s’est fait connaître avec ses projections géométriques de lumière ou l’artiste minimaliste américain Dan Flavin qui a fait du néon son outil de travail.


La banalisation du phénomène lumineux comme éclairage a donc ouvert le champ aux artistes, designers et architectes qui octroient désormais à la lumière une dimension esthétique et dépassent l’utilitaire. Dans Lightopia, 300 œuvres, dont de nombreuses pièces majeures de la collection du Vitra Design Museum encore jamais dévoilées au public, retracent l’histoire du design lumineux des débuts de la société industrielle aux visions qui modèleront notre futur. « Lightopia s’attache à toutes les différentes facettes du design lumineux, les rassemble et les lie aux débats actuels » décrit Jolanthe Kugler, commissaire de l’exposition. À travers quatre sections bien distinctes, le spectateur est amené au fil des galeries à s’interroger sur le rôle de la lumière dans son quotidien. Dans une première partie, on pointe du doigt la nécessité de l’éclairage artificiel dans les espaces publiques, les bureaux ou encore dans la transmission de données numériques tout en ne perdant pas de vue les problèmes que cela soulève (surconsommation d’énergie, pollution lumineuse...). Y sont également présentées les solutions à ces problématiques comme les LED et OLED, récentes innovations. Cette première approche place la gestion de l’éclairage dans le cadre politique avec par exemple l’interdiction récente des lampes à incandescence. L’exposition effectue dans un second temps une rétrospective du développement du luminaire et prouve que la « domestication » de la lumière a toujours constituée un défi pour l’homme. C’est ainsi que sont nées des créations comme le plafonnier de Gerrit Rietveld datant de 1922 ou la fameuse lampe de chevet Bauhaus de Wilhelm Wagenfeld datant de 1923-1924. Après ce focus sur le design lumineux s’ouvre un troisième espace réservé cette fois à la lumière elle-même. On y appréhende son rôle dans la création d’ambiance, sa capacité à raconter une histoire, pas seulement dans nos intérieurs mais dans toute manifestation ou création humaine, de la cathédrale de lumière d’Albert Speer en 1934 lors des grands rassemblements nazis – perçue en son temps comme une « cathédrale de glace », par l’ambassadeur britannique – à l’ouverture des Jeux Olympiques de 2008. Le rôle de la couleur et son impact sur l’éclairage sont également abordés, et s’appuient notamment sur l’œuvre de Carlos Cruz-Diez Chromosaturation (1965) qui explore les caractéristiques physiques de la lumière et de la perception des couleurs. La dernière partie de cette exposition considérable porte sur la lumière de demain : quelles innovations vont voir le jour ? Quelles sont celles qui existent déjà ?

Un thème fait peu à peu surface et semble constituer un premier élément de réponse : l’éclairage artificiel s’appuie de plus en plus sur la lumière naturelle. Les lampadaires détectent le coucher du soleil, certains architectes comme realities:united se servent de l’éclairage artificiel pour créer un lien entre l’intérieur et l’extérieur, des recherches sont même en cours pour créer de l’énergie grâce à l’éclairage. Finalement, les lueurs naturelles que l’homme semblait bouder, obnubilé par sa quête de la lumière parfaite, deviennent l’un des ingrédients principaux des projets futurs. Une chose est sûre, nous avons appris à domestiquer la lumière, naturelle ou artificielle, afin d’en tirer tous les avantages. Mais comme le demandait Kazimir Malevitch : « Le moment peut-il arriver où l’homme sera satisfait de la lumière ? ». Seul l’avenir nous le dira.

LIGHTOPIA, exposition du 28 septembre au 16 mars 2014 au Vitra Design Museum à Weil am Rhein en Allemagne. www.design-museum.de

Source : Novo - Valentine Schroeter

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